Conseils voyage, Destinations insulaires, La Polynésie Française, Voyage

Expatriation en Polynésie Française

expatriation polynésie

Expatriation en Polynésie Française : interview de Laurie

La publication d’un tel article n’est pas quelque chose d’anodin. Il conjugue notre amour pour la Polynésie et nos envies de rejoindre ce bout du monde à nos heures maussades. Comme beaucoup, lorsqu’un ras le bol dans nos vies s’installe, cette envie d’évasion et/ou de tout quitter finit par nous titiller sérieusement. On y cherche le plus souvent un cadre de vie plus serein, plus apaisant, au soleil ou non d’ailleurs. Sauter le pas et changer de vie n’est pas une mince affaire. Et cette envie d’aller vivre en Polynésie Française pourrait nous plaire mais sur un temps limité. Nous connaissons à travers les réseaux sociaux Laurie depuis plusieurs années maintenant et nous avons eu l’envie de vous raconter ici le grand saut qu’elle a effectué, celui de tout quitter et de partir à plus de 15 000 kms de chez elle dans un petit écrin lové, dans les lagons turquoises de la Polynésie Française et plus précisément sur l’île de Moorea.

On remercie chaleureusement Laurie d’avoir accepté de partager son expérience d’expatriée. Pour découvrir le quotidien de Laurie, allez jeter un oeil sur son blog.

Peux-tu te présenter et nous en dire un peu plus sur toi ?

Je m’appelle Laurie, j’ai 27 ans. Je suis originaire de Marseille, et j’ai quitté la métropole pour m’installer en Polynésie Française depuis près de 5 ans. J’avais envie d’ailleurs, je voulais m’évader, vivre une vie différente, me rapprocher de la simplicité et de l’authenticité ; quitter cette ambiance pesante de la France ; vivre autrement. J’ai toujours eu envie de bouger de chez moi, connaître autre chose. J’avais besoin de changer totalement d’environnement. Je ne voulais surtout pas faire partie de ceux qui sont malheureux, et qui ne font rien pour changer ça.

Pourquoi avoir choisi de quitter la France ? Et pourquoi  la Polynésie Française ? Pour combien de temps ?

Je suis une grande amoureuse de la nature, des animaux, de la vie en générale, je voulais aussi m’émanciper de ceux que j’aime et voir si j’étais capable de vivre loin d’eux alors que j’ai des relations fusionnelles avec mes proches. La Polynésie n’était pas dans mes plans du tout ; je connaissais vaguement Tahiti, mais je n’étais pas tellement attirée par le fait de vivre sur une île, au contraire, je trouvais ça contraignant et trop restreint. Mon amoureux a un bout de famille ici, il m’a convaincue de venir les voir quelques mois. Finalement, ça me plaisait bien. Et de 6 mois au départ, on a décidé de rester. Jusqu’à ce qu’un jour on se lasse. Ce qui n’est pas prêt d’arriver parce qu’on est en train d’essayer d’acheter une maison.

Quelles ont été les démarches (administratives, familiales, sentimentales…) les plus fastidieuses/éprouvantes dans cette expatriation/immigration ?

Il n’y aucune démarche administrative concernant la Polynésie, puisque c’est un territoire français. Non pas un département, il y a donc un gouvernement qui lui est propre, une autre monnaie, une culture bien différente aussi. Il faut simplement prévenir la sécurité sociale que l’on quitte la métropole pour obtenir un formulaire ; qui nous couvre pendant 6 mois, jusqu’à ce que l’organisme ici prenne le relais. Chose qu’on n’a pas faite car on est tombés sur une incompétente à la sécu qui nous a assuré qu’il n’y avait rien à faire. Nous n’avions donc pas de couverture sociale les 6 premiers mois en Polynésie. Il faut quand même indiquer aux impôts que l’on a quitté le territoire, afin qu’ils classent votre dossier comme expatrié. Un simple e-mail suffit je crois.

expatriation polynésie

Le processus familial/sentimental a été extrêmement dur et compliqué pour moi, pas pour mon compagnon. J’ai failli annuler mon départ à plusieurs reprises. Le jour où l’on devait monter dans l’avion, j’ai attrapé mon père à l’aéroport, l’ai supplié de prévenir mon chéri que je ne venais plus et que je restais en métropole. Il m’a poussé à prendre cet avion. Comme je l’ai mentionné, mes relations avec mes proches sont extrêmement fusionnelles ; il a été très difficile de me séparer d’eux, de m’envoler aussi loin. C’est un sujet très sensible, car quand j’y pense trop, je serais presque capable de tout plaquer pour retourner vivre auprès d’eux, même si je n’aimais plus ma vie là bas. Un énorme bout de mon coeur est toujours là bas, et j’ai énormément de mal à accepter la distanceMes proches ont eu du mal à comprendre, à accepter, à y croire. Il y a eu beaucoup de tensions liées à notre départ. Certains pensaient qu’on reviendrait vite, et ça me faisait de la peine ; certains ne voulaient tout bonnement pas me laisser partir, et j’ai du les convaincre que je devais vivre pour moi. Je pourrais en parler pendant des heures. Tout ceci n’est pour autant pas négatif ; car avec tout ça, j’ai pu être seule face à moi même, enfin, et me construire réellement à travers moi, et non plus pour et avec les autres.

Comment s’est passée ton installation en Polynésie? La recherche d’un emploi, d’un logement a t’elle été compliquée ?

Nous avons été accueillis chez la sœur de mon homme et son mari, ce qui nous a permis d’avoir un pied à terre à notre arrivée. On a mis du temps à trouver notre maison car le peu d’économies que nous avions se sont vite évaporées ; et nous attendions surtout d’être stable professionnellement. J’ai commencé à chercher un travail au bout de 2 mois ; ça n’a pas été facile du tout. Quand on ne te connaît pas dans un petit endroit comme celui là, il n’est pas évident de faire sa place. Les sociétés voient beaucoup d’expatriés arriver et s’en aller après quelques mois ; ils ne veulent pas former quelqu’un pour le perdre quelques mois plus tard.

Presque tout marche au bouche à oreille ici, il faut être patient pour faire sa place.

Quel type de relation entretiens-tu avec les Polynésiens ? L’intégration a t’elle été difficile ?

L’intégration se fait relativement bien. Il faut savoir que les Polynésiens sont très ouverts et gentils. Ils aiment discuter avec toi même quand ils ne te connaissent pas. Il est facile de s’intégrer à une condition : ne pas penser être en terrain conquis. Ici la valeur de la culture est très forte, très ancrée. Il faut respecter ça. Ne pas arriver en conquérant, ici tu viens pour vivre « à la locale » comme on dit. Les popaa (=étrangers) qui veulent tout apprendre aux Polynésiens sont mal vus. Si tu viens vivre ici, ce n’est pas pour vivre comme en métropole. Et c’est bien normal.

Qu’est-ce qui te manque le plus en Polynésie ? Qu’est ce que cette nouvelle vie t’a apportée de plus ?

Ce qui me manque le plus ici, je dirais que c’est l’accès à la culture, et les grands espaces. Tout est petit, à échelle humaine. Parfois, j’aimerais avoir des terres à perte de vue. J’ai l’océan qui s’étend à l’infini devant les yeux, c’est pas mal non plus je dois l’avouer ! Pour la culture, on est limité. Il n’y pas de musée qui propose des expositions de différents styles, de différents artistes. Pas de concert classique par exemple ou de grande bibliothèque. La culture Polynésienne est très présente, mais je trouve que c’est fermé sur le reste du monde, ce qui n’ouvre pas vraiment les esprits. La Polynésie c’est merveilleux, mais si on pouvait avoir un regard sur le monde qui nous entoure à travers la culture, ce serait encore plus enrichissant.

expatriation polynésie

Quels conseils donnes-tu aux personnes qui souhaitent s’installer dans un autre pays que la France ?

Je leur dirais : renseignez vous ; contactez des personnes qui l’ont vécu, qui l’ont fait avant vous. Prenez tous les conseils à prendre, et ne vous braquez pas si l’on vous parle que du négatif d’abord. Souvent c’est parce qu’on l’a vécu et que personne ne nous avait prévenu, à nous de faire passer les vraies informations. Ce n’est pas parce qu’on ne va pas dans votre sens que nos conseils sont mauvais. Mais, il faut aussi savoir trier l’information que vous recevrez. Certains veulent garder le « privilège » de l’expatrié, et que personne ne fasse la même expérience, car cela « minimiserait » la leur.

Posez des questions, communiquez, interrogez, créez des liens avec des personnes sur place, et si vous le pouvez, faites un voyage de reconnaissance.  Surtout, n’écoutez pas ceux qui vous diront que vous n’y arriverez pas, que vous êtes fous ou je ne sais quoi. Beaucoup envient ceux qui ont le cran de quitter leur pays de naissance pour construire une nouvelle vie, mais ils n’osent pas ; alors ils voudront vous dissuader de le faire. Ecoutez votre coeur.

Conseilles-tu aux amoureux de la Polynésie de passer le cap ?

Avec les bonnes infos, oui. Il faut suivre ses envies. Cependant, il faut savoir ce qu’est vraiment la Polynésie. Ce n’est pas seulement des plages de sable fin et blanc, des cocotiers et du surf. Il y a tout un monde caché qu’on ne voit pas depuis la métropole. Quand on vit loin de la Polynésie, loin des îles en général, on ne se rend pas bien compte de ce qui s’y passe réellement. On nous dépeint un fantastique tableau de Tahiti et ses îles, des plages de sable blanc, des cocotiers, un lagon turquoise, une culture merveilleuse. Et ça, ça existe vraiment. Mais à côté, on se trouve confronté à la pauvreté de la population. Au manque d’écoute des Polynésiens. On est loin ici. 18 000 km de la métropole, c’est comme si on ne comptait pas. Les animaux errants dans la rue, l’alcoolisme, le manque d’accès à l’éducation, la drogue aussi. Beaucoup de violences conjugales… C’est le lot de la vie insulaire un peu partout dans le monde. Mais souvent, depuis le continent, on ne le sait pas. On ne nous le montre pas car cela abîmerait le joli tableau doré qui fait rêver. En disant tout ça, je ne veux pas ternir l’image de la Polynésie, mais il y a une réalité qui existe, et qu’on peut faire changer aussi en en parlant… Et quand on vient vivre là où appelle le « Paradis », il faut être conscients qu’on va se prendre une claque. Mais ça nous ouvre beaucoup aux autres, les rapports humains se voient modifiés; on a envie d’aider, de renverser la vapeur… Il y a beaucoup à faire en Polynésie pour améliorer les mauvaises conditions, mais pour ça, il faut savoir où on va.

Mais si vous avez les bons contacts, vous saurez faire votre choix. Et si vous en avez vraiment envie, faites le. C’est une aventure merveilleuse. Qui vous apprendra tellement de choses sur vous. La Polynésie laisse une empreinte dans le coeur de ceux qui la visitent ; mais si vous restez un peu, votre coeur trouvera un coin au milieu du Pacifique pour y mettre une racine et vous y serez lié pour l’éternité, j’en suis suis convaincue.